Lors d’une cérémonie à Ottawa le 12 mai 2008, l’Association canadienne des ex-parlementaires a présenté son 10e Prix de reconnaissance pour services exceptionnels à l’honorable Sheila Finestone, C.P., B.Sc., ex-sénatrice et députée libérale ayant représenté la circonscription de Montarvill, Québec, en reconnaissance de ses années de service parlementaire, de sa contribution et respect à l’égard de l’institution du Parlement ainsi que son intérêt et engagement constants en faveur de la promotion du bien-être humain, des droits de la personne et de la démocratie parlementaire, tant au Canada qu’à l’étranger.
Mot de remerciement
Messieurs les Présidents, membres de la Chambre et du Sénat, madame Leung, distingués invités : j’aimerais d’abord vous dire à quel point ma mère, Sheila, aurait aimé être ici en personne pour recevoir le prix que vous lui décernez et pour s’adresser directement à vous, ici, dans cette salle qui a été sa deuxième demeure pendant si longtemps. Je sais que beaucoup d’entre vous se demandent comment elle se porte; je suis heureux de vous dire qu’elle prend du mieux.
Lorsque nous avons reçu cet appel pour nous dire qu’on souhaitait rendre hommage à notre mère, nous lui en avons parlé. Elle fut d’abord surprise et un peu réticente, estimant qu’elle n’avait rien fait d’extraordinaire; mais elle a finalement accepté. Je l’ai incitée à penser à tout ce qu’elle avait vécu en tant que parlementaire et maintenant, comme beaucoup d’entre vous, en tant qu’ex- parlementaire. Elle a écrit ces quelques mots, que j’aurai le plaisir de lire pour vous :
Mes amis, il n’y a pas plus importante reconnaissance que celle exprimée par ses pairs, car il y a très peu de secret entre collègues, et certainement rien de mystique. J’ai travaillé très fort, j’en conviens, mais beaucoup d’entre vous en ont fait tout autant. Être honorée de la sorte est quelque chose de très spécial pour moi, et je vous en remercie.
Cet édifice, la Chambre des communes et le Sénat, où j’ai habité pendant 17 années, est devenu chez moi. Après ces années, comme un adolescent, j’ai quitté la maison familiale. Cependant, je n’avais ni le désir ni la capacité de vraiment quitter. Donc j’ai trouvé quelques petites activités pour me tenir occupée.
L’hommage que vous me rendez aujourd’hui me confirme que je ne les ai pas faites en vain.
Vous me connaissez tous personnellement ou, à tout le moins, vous savez que je suis une personne timide, réservée et prudente — ce n’est pas mon genre de dire haut et fort ce que je pense. Lorsque j’ai su que l’on m’accordait ce prix et que je devais rédiger ces quelques lignes, j’ai dû me poser des questions sur moi-même. Si vous me le permettez, je vous parlerai un peu de ce qui m’a amenée ici et de ce qui a fait de moi la personne que je suis. Peut-être que des gens en dehors de ce groupe se reconnaîtront en moi.
Cinq mots pourraient résumer mon cheminement : famille, connexion, respect, engagement et conscience. La famille dans laquelle j’ai grandi et celle que j’ai fondée avec mon mari, Allan, misaient avant tout sur le respect des autres. Pour nous, la famille ne se limitait pas à notre petit noyau, mais s’étendait aussi à la communauté. Aujourd’hui, je me rends compte que cette philosophie m’a amenée à inclure dans ma famille tout le genre humain.
Comme n’importe quelle famille, nous avons eu les personnes et les personnalités uniques. Il y avait des tensions et des difficultés.
Mais on m’a enseigné à respecter ces différences et ces gens malgré tout.
J’ai aussi grandi dans l’ère post-holocauste, une époque qui m’a profondément influencée, car cela m’a permis d’être plus sensible au désarroi des personnes déplacées et à la nécessité de repartir à zéro et d’avoir un endroit sûr pour vivre. L’engagement et l’action ont toujours été pour moi une deuxième nature, que j’ai héritée de mes parents. Je ne pouvais tout simplement pas demander aux autres d’agir à ma place.
Personne, surtout pas moi, ne pourrait se douter que l’octogénaire que je suis cache un peu une enfant des années soixante. Pourtant, c’est le mouvement des droits civiques, l’émergence du Canada comme gardien de la paix mondiale, la Révolution tranquille et la culture qui a mené à la création de notre Charte des droits et libertés qui m’ont incitée à me lancer en politique. Ce sont autant d’éléments qui ont façonné la personne que je suis, qui m’ont donné du courage et qui m’ont poussée à aider et à défendre les autres.
J’ai parcouru le pays et une bonne partie du monde, mais je suis particulièrement fière d’affirmer que j’ai pu explorer, en tant que femme juive, grand-mère et parlementaire de Montréal, les différences entre les personnalités, les cultures, les genres et les fossés raciaux au Québec, au Canada et dans le reste du monde. Mon mantra, si je peux m’exprimer ainsi, c’est que les différences doivent à tout le moins être tolérées et comprises pour qu’on puisse un jour, espérons-le, les respecter.
Vous m’avez vue travailler pour inciter les gens et les sociétés à accepter la différence. Mon seul regret, c’est peut- être que je n’ai pas réussi à instiller totalement la tolérance et à propager cette recette canadienne dans le monde entier.
Le travail que j’ai effectué ici, dans ce merveilleux endroit, avec et parmi vous, était avant tout axé sur la communauté, la conscientisation, le respect et l’engagement. Ce sont ces valeurs qui m’ont guidée; elles m’ont montré la voie à suivre. J’ai été heureuse de rencontrer, dans ce club spécial qu’est le nôtre, des gens qui avaient le même dévouement que moi et qui ont fait un travail extraordinaire. J’ai vu vos efforts atteindre des sommets et j’ai apprécié votre capacité à éviter le découragement engendré par cet égoïsme omniprésent qui semble sans cesse placer le « moi » avant le « nous ». J’ai été insistante, peut-être un peu trop parfois; par contre, étant donné que cela a permis de faire avancer la cause des femmes, de favoriser l’engagement des jeunes, de défendre nos droits et de débarrasser le monde de certaines mines terrestres, je dois dire que je ne regrette rien.
Je terminerai en disant que j’aurais beaucoup aimé être là en personne pour recevoir le prix que vous m’accordez et vous parler de vive voix. Cet endroit a été ma deuxième demeure pendant de nombreuses années; et c’est également ici que j’ai tissé des liens avec les gens de mon propre caucus, mais aussi, et ce sont des relations peut-être plus précieuses encore, avec les membres des autres partis.
Finalement, d’être ici parmi vous, qui ont choisi de servir notre pays, est un privilège unique et un honneur pour moi.
Ma plus grande récompense, c’est de compter autant d’amis parmi vous. Merci de votre dévouement envers moi et envers tous les Canadiens. Merci du respect que vous me témoignez et de cette reconnaissance.
Merci infiniment.